Swans « To Be Kind » Young God 2014
J’ai découvert les Swans fin 80, début 90 et franchement ce n’était pas une sinécure. Tout le monde te parlait d’un groupe bruitiste et ultra impressionnant en live mais les disques de cette période (Burning World, Love Of Live…) dévoilaient une formation folk gothique pompeuse et assez ennuyante. Quand j’ai réussi à mettre la main sur leurs premiers enregistrements, j’ai été séduit par la répétitivité et l’ambiance glauque des « Children Of God » et autres « Greed » ou « Cop » mais aucun cas par la puissance de leur son.
Dans les années 90, seul « The Great Annihilator » valait vraiment le détour et quand le groupe s’est séparé en 1997, l’indifférence à leur égard était devenue quasi générale. Ils attiraient à peine 100 personnes en concert à Paris à l’époque. Il faut dire que la présence souvent ridicule de Jarboe avait de quoi détourner leurs plus fervents fans. Quand ils se sont reformés (et sans Jarboe, ouf), Michael Gira avait eu le temps de réfléchir à la musique qu’il voulait produire sous l’entité « Swans ». Il avait donné libre cours à son penchant pour le folk avec ses Angels Of Light. Ce projet à géométrie variable a tellement bien marché que Gira a fini par donner des concerts chez l’habitant pour payer son loyer. Il faut bien admettre que 5 albums qui semblaient jouer une seule et même chanson, ça a de quoi décourager..
A force de répondre à des interviews au cours desquelles, on lui demandait à chaque fois une anecdote sur les premiers concerts des Swans et étant donné les récurrentes propositions de l’ATP et autres festivals pour rejouer sur scène les premiers albums, Michael Gira a décidé de remonter les Swans mais à sa manière. Il a parfaitement intégré que les gens attendent un Swans puissant et bruyant. Michael Gira a un certain ego et souhaite surprendre tout son monde en surpassant sur scène et sur disques ses efforts passés. A l’inverse de Sonic Youth ou de Neubauten, il veut de nouveau aller dans le rouge. Recrutant de nouveaux musiciens mais secondé par quelques fidèles, Christoph Han, Norman Westerberg, Phil Puelo, il décide de remonter sur scène et de publier de nouveaux albums. En 2010, la sortie de “My Father Will Guide Me up a Rope to the Sky” fut une véritable bonne surprise.
Michael Gira avait retrouvé un semblant d’inspiration mélodique, délivrant de splendides nouvelles compositions faisant le lien entre son admiration pour la country folk et des sonorités plus No Wave. J’ai plus d’une fois songé à une excellente relecture des Bad Seeds, période berlinoise. Mais surtout et ce dès les premières prestations scéniques du groupe, Gira avait remonté une formation live incandescente. Avec le temps et l’attente suscitée, il a eu l’opportunité et les moyens de façonner le groupe qu’il avait en tête depuis si longtemps, capable de se transformer en machine de guerre sonique tout en réussissant à jouer des morceaux plus intimistes avec une classe folle. Les échos des concerts ont été immédiatement dithyrambiques et tous les festivals et grandes salles se sont depuis arrachés le groupe. Le pari fou de Gira de revenir sur le devant de la scène était gagné. The Master, c’est lui et personne d’autre !!!! Les Swans sont devenus depuis le début des années 2010 la référence ultime en matière de prestation scénique. Ils ont réussi à captiver l’attention d’un nouveau public allant du métalleux à l’indie kid. Le deuxième volet de leur reprise discographique « The Seer » a tenté de capturer l’essence de ces instants cathartiques. Le disque un peu trop long, laissant la place parfois à de longues séquences instrumentales, n’a pas réussi à retranscrire complètement ce qui se passait sur scène. Néanmoins l’album comporte des séquences totalement hallucinantes. Michael Gira, porté par ce renouveau public et artistique connait actuellement une période de créativité des plus intense. Et les promesses affichées par « The Seer » se voient confirmées par cette œuvre au noir que représente « To Be Kind ».
Cauchemar électrique. Plongée psychédélique dans les méandres du rythme et de la percussion. Les Doors, Test Dept, Cop Shoot Cop, DNA, Johnny Cash oeuvrent dans l’ombre. Peut-être leur disque le plus abouti à ce jour à moins que ce ne soit le prochain. L’album impressionne par sa cohérence alternant pourtant hallucinations auditives et titres sobres. Le son est dense et les compositions impressionnantes. On a vraiment le sentiment d’écouter une formation au firmament de sa créativité. Bande son idéale d’ « Apcalypse Now ». Ce disque est très différent des autres sorties de cette année. Il est ailleurs, tout comme le groupe. Somme des efforts passés et fenêtre des possibilités à venir. Difficile d’en parler mais quel plaisir à écouter. Une pièce maitresse dans la discographie des Swans et l’un des disques références des années à venir.
DL
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